dimanche 18 mars 2012

La France et la Non-France

Dans la Lenteur, Milan Kundera, que Dieu le bénisse, parle d'un intellectuel français pour qui le monde se divise en "la France et la Non-France aux provinces obscures".

C'est admirablement bien vu. Dans un autre de ses romans, il pointe avec une pertience délicieuse d'autres tares françaises (qu'on lui pardonne, n'est-ce pas, car tout de même il nous a fait la grâce de devenir quasi français, comme le monde entier devrait avoir le bon goût de le faire - en esprit, naturellement, pour ne pas contravenir aux circulaires Guéant, tout en respectant l'esprit actuel en matière d'immigration : devenir plus français que les Français).

Probablement, pour les habitants de la plupart des pays, il existe leur pays et leur non-pays. Ça n'est pas une spécificité française. J'ai bien vu l'oeil des mamies dans les marchés madrilènes, dès que j'ouvrais la bouche (en me taisant je pouvais avoir l'air espagnol) pour demander deux kilos de tomates. Avoir l'air aussi outrageusement non espagnol, c'était tout de même un peu louche. Mais les mamies madrilènes, me semble-t-il, ne demandent rien d'autre qu'une Espagne espagnole, et que le reste du monde reste chez lui peinard.

En France, on perçoit partout la supériorité française. Nous avons honte de notre président, parce qu'il nous fait honte, et qu'on n'admet pas, nous autres Français, de ne pas avoir un président dont on soit fiers, un nouveau Roi de France qui prenne cranement la suite des Philippe Auguste, Louis XIV et Napoléon. Nous avons la meilleure cuisine du monde, POINT. Boire un vin non-français ? Ah AH AH. En plus, on a inventé la liberté. Le reste du monde, ça n'est pas de sa faute, mais toute cette non-France, elle devrait tout de même se réveiller le matin avec comme unique objectif de réparer cette tare.

Montesquieu l'avait parfaitement vu : Comment peut-on être Persan ?



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire